Fulbert fut l’évêque de Chartres en 1006 jusqu’à sa mort en 1028.
On ne sait rien de certain sur l’origine, sur l’enfance ou sur la jeunesse de Fulbert. La plus ancienne lettre écrite de sa main date de 1004, et prouve sa présence à Chartres à cette date. Sur ses origines, deux hypothèses s’opposent : certains le font naître en Italie, d’autres en Picardie.
Fulbert évêque.
Le 14 juillet 1006 meurt Raoul, évêque de Chartres. Pour la succession, le Clergé porta son choix sur celui qui portait la renommée de l’Ecole de Chartres : Fulbert. Son élection fut ensuite confirmée par le roi Robert II (qui était déjà en contact avec Fulbert et appréciait ses conseils).
Pendant toutes ses années d’évêque, Fulbert fut sollicité par les puissants, et il écrivit de très nombreuses lettres pour régler des points de droit canonique ou de questions sur les liens vassaliques. Le texte le plus célèbre est sa réponse au duc Guillaume d’Aquitaine, en 1020. Guillaume ne savait pas quelle position adopter vis-à-vis de trois de ses vassaux qui se querellaient. Il consulta Fulbert, ce qui montre que l’évêque faisait autorité sur ces questions.
Fulbert et le pouvoir politique de son temps :
Très estimé par le roi Robert, Fulbert participa à de nombreux conciles et plaids. Lorsque Robert rencontra en 1023 sur les bords de la Meuse l’empereur du St Empire Henri II il tint à ce que Fulbert soit à ses côtés, mais l’évêque était alors en mauvaise santé et dû rester à Chartres.
De son côté, le duc Guillaume d’Aquitaine chercha à attirer Fulbert à Poitiers et lui offrit une charge importante. Mais Fulbert délégua cette charge à l’un de ses principaux élèves et resta à Chartres.
Le principal problème politique de Fulbert était de se trouver sous l’influence de deux protecteurs à la fois : d’un côté le roi Robert II, avec lequel Fulbert se montre un fidèle serviteur, mais de l’autre Eudes II le comte de Blois et de Chartres. Fulbert et son évêché se trouve dans l’influence directe du comte. L’évêque de Chartres dut donc ménager ses relations avec les deux hommes.
La nouvelle cathédrale romane :
Le 7 septembre 1020, alors que les Chartrains se préparent à fêter la Nativité de Marie, la cathédrale et une partie de la ville furent détruit par un incendie.
On suppose que cette cathédrale, édifiée sous l’évêque Vulfart après 962, était déjà de grandes dimensions (100 m sur 30 m). Fulbert lança le nouveau chantier, financé en bonne partie par les riches terres du chapitre, mais aussi par les dons des Chartrains. On fit appel également aux puissants : le roi Robert, le comte de Chartres Eudes II, et d’autres, comme Guillaume V d’Aquitaine, ou, plus curieux, Cnut, le roi d’Angleterre et de Danemark, qui était envieux de faire oublier des destructions que lui et son père Sven avaient cumulées en France par le passé.
En 1024-25, les fondations de la cathédrale ainsi que l’église basse (c’est-à-dire la très vaste crypte de Fulbert, qui existe toujours aujourd’hui) sont achevés. L’architecte fut probablement un dénommé Bérenger.
La cathédrale de Fulbert était dépourvue de transept. Son originalité résidait dans l’importance de son église basse et de son vaste déambulatoire.
Fulbert enseignant.
A son arrivée à Chartres, la ville n’est pas dépourvue en matière d’enseignement. Depuis l’époque carolingienne, on y enseigne les sept arts libéraux (le Trivium : grammaire, rhétorique, dialectique, et le Quadrivium : arithmétique, géométrie, Astronomie et musique). Fulbert y ajoute l’enseignement du droit et celui de la médecine (qui est devenue une des spécialités de l’école chartraine depuis la fin du Xème siècle).
Réputée savante, l’Ecole de Chartres sous Fulbert attire des élèves provenant parfois de toute l’Europe chrétienne. Certains élèves de Fulbert devinrent écolâtres par la suite dans d’autres villes.
L’enseignement se fait évidemment en latin, et Fulbert ne connait pas le grec (ce qui est courant à cette époque).
Fulbert est le contraire d’un novateur ou d’un réformiste en matière d’enseignement : il est très profondément attaché à la tradition. Pour Fulbert, il ne faut pas chercher à dépasser la tradition et le mieux que l’on puisse faire est de mettre les pas dans ceux des Pères de l’Eglise et de suivre la Bible avec rigueur. Ses élèves ne suivront pas tous Fulbert dans ce sens, puisque l’un d’eux, Bérenger, se fera connaître pour son rejet de la croyance en l’Eucharistie.
Les lettres de ses élèves montrent que Fulbert est vénéré. Dans une lettre, un élève l’appelle « notre Socrate ». Fulbert fait figure d’exemple à suivre pour son allure digne et grave, et toujours bienveillante pour ses élèves. Le maître aime réunir de temps en temps ses meilleurs élèves pour aborder des points de théologie.
Le personnage de Fulbert à travers l’histoire :
A la mort de Fulbert on peut parler d’un véritable culte qui va amener à la canonisation de l’évêque. Mais singulièrement, il suffit de quelques décennies pour que l’oubli s’installe : on chercherait en vain une allusion à Fulbert dans le vaste programme iconographique de la cathédrale du XIIIème siècle.
Il faut attendre le XVIIème siècle pour qu’on se souvienne à nouveau de l’évêque Fulbert. Au XIXème siècle le culte de Fulbert reprit une véritable vigueur, qui se poursuivit au XXème siècle, avec l’installation en 1928 dans la crypte de deux vitraux (toujours visibles) de Fulbert enseignant et Fulbert bâtisseur. Puis plus récemment : le lycée Fulbert en 1991 et la statue de Fulbert installée sur le parvis de la cathédrale, le 10 avril 1997 (réalisée par Bernard Damiano).
Source :
Claude Génin : Fulbert de Chartres, une grande figure de l’Occident chrétien au temps de l’An Mil. (Société archéologique d’Eure et loir, 2003).